Yassin, rappeur soudanais, utilise la musique pour contribuer à l’amélioration de la société

15 octobre 2024|Yassin, rappeur soudanais qui vit en Jordanie

Yassin est un rappeur soudanais qui s'est réfugié en Jordanie et utilise sa musique pour amplifier les voix de ceux qui ne sont pas écoutés. Le rappeur soudanais Yassin, à droite, avec son ami Mohdi, à gauche ( Service Jésuite des Réfugiés)
Le rappeur soudanais Yassin, à droite, avec son ami Mohdi, à gauche ( Service Jésuite des Réfugiés)

[paroles de la chanson] 

Un jour, je me suis demandé : « Qu’est-ce que l’humanité ? » 

Mon esprit a répondu d’une voix forte : paix, justice, liberté, amour, égalité. 

Tous les êtres humains sont identiques, il n’y a pas de racisme. 

J’ai demandé : « Pourquoi donc souffrons-nous ? »

 Notre douleur dure des années, notre joie quelques secondes. 

La faim nous dévore, nous buvons de soif.

 Nous n’avons ni nourriture ni médicaments. 

Nos bouches sont sèches faute d’eau. 

Mon esprit a demandé, en pleurant, « Qui êtes-vous ? » 

Je nous ai présenté avec un document qui disait « Réfugiés »

[paroles de la chanson]

Je m’appelle Yassin, surnommé Yash, ou Kamikaze en rap. Je suis originaire du Soudan et je vis actuellement en Jordanie.

J’ai vécu une vie simple et normale au Darfour. Une vie qui reposait sur l’agriculture. Nous étions une famille très heureuse. En raison de la guerre et de la détérioration des conditions de sécurité, j’ai dû déménager à Khartoum pour poursuivre mes études. Après avoir terminé mes études, la situation est devenue encore plus complexe. Tous les habitants de la région luttaient pour trouver un emploi, ce qui nous a plongés dans une grande anxiété. J’ai donc décidé que le meilleur moyen de remédier à cette situation était de déménager dans un autre pays.

J’ai déménagé en Jordanie et j’ai demandé l’asile pour trouver un moyen de sortir de la situation dans laquelle je vivais. À mon arrivée, j’ai également été confronté à une réalité difficile, mais, d’une certaine manière, il y avait plus de liberté qu’au Soudan.

J’ai rencontré Modhi, un de mes amis, surnommé Equalizer. Il m’a aidé. J’étais déterminé à changer notre situation de réfugiés, c’est pourquoi j’ai voulu devenir rappeur. Il était déjà rappeur et m’a aidé à progresser et à développer mes compétences musicales. Grâce à ses conseils, j’ai également pu apporter un soutien important à d’autres personnes, tant au Soudan qu’à d’autres réfugiés ici en Jordanie.

Bien que nous ayons été confrontés à de nombreux défis, nous les avons affrontés par le biais de notre musique. Nous avons également écrit de nombreuses chansons qui sont devenues populaires parmi les réfugiés.

[paroles de la chanson] 

Il y a du bon, du mauvais et du laid dans le monde. 

L’ennemi et l’ami. Vous les trouvez à double visage. 

Il y a des gens qui, comme un caméléon, changent de couleur à chaque minute.

En une minute, ils changent de mille couleurs. 

[paroles de la chanson]

Le rap me passionne depuis longtemps. Lorsque j’étais à l’université, il y avait des concours où les étudiants chantaient à la fois en anglais et en arabe. À l’époque, le rap n’était pas aussi populaire au Soudan qu’il l’est aujourd’hui. Mais c’était mon truc, j’avais une profonde passion pour le rap. Lorsque je suis arrivé en Jordanie, j’ai trouvé plus d’espace pour me développer et j’ai commencé à faire passer mon hobby à un niveau plus professionnel.

Pour moi, le rap est un message. Contrairement à ce que certains pourraient penser, le rap n’encourage pas la violence, il permet de transmettre un message de paix. Nous avons produit de nombreuses chansons qui sont devenues populaires parmi les réfugiés, et nous nous sommes produits lors d’événements organisés par le JRS et dans un centre culturel appelé Jadal. Cet espace sûr nous a permis d’aller plus loin : nous nous sommes portés volontaires au JRS pour animer des ateliers de rap à l’intention des adolescents. C’était une excellente occasion d’apprendre aux gens à utiliser le rap comme outil d’expression. Une personne peut rapper sur n’importe quel sujet, qu’il s’agisse de brimades à l’école ou des difficultés de la vie quotidienne, ce qui permet aux gens de s’exprimer plus librement qu’avec la musique traditionnelle.

On dit que le rap ne s’apprend pas, mais nous essayons, car aucune règle n’est immuable. J’entends souvent les gens dire : « Quels sont vos rêves ? » et j’ai développé une philosophie autour de cette question. Pour moi, un rêve représente une limite : ainsi, lorsque vous l’avez atteint, vous avez atteint votre limite. C’est pourquoi le mot « rêve » ne fait pas partie de mon vocabulaire, car il impose des limites à ce qui est possible. Je veux être célèbre, par exemple, mais je ne veux pas que mon rêve soit ma limite. Je veux aussi être accessible, aider les autres à amplifier leur voix et transformer leurs messages en quelque chose que nous pouvons tous partager.