Témoin de l’espoir et de la résilience à la frontière entre les États-Unis et le Mexique
01 mars 2023
« Ils sont les donneurs, et nous sommes les receveurs ». Maria Torres cite un collègue pour décrire sa relation avec les personnes déplacées de force : un échange mutuel de confiance, d’amitié et d’espoir.
Originaire du Guatemala, Maria travaille depuis des années avec des réfugiés, des demandeurs d’asile et des migrants aux États-Unis d’Amérique. Au début, admet-elle, elle pensait que les réfugiés étaient « probablement brisés ou endommagés ». Elle a rapidement découvert qu’ils étaient « si forts, si inspirants ».
Psychologue, anthropologue et Docteure en santé interdisciplinaire, Maria a rejoint le JRS en novembre 2020. Elle sert actuellement en tant que Directrice des Programmes Nationaux, supervisant les projets de santé mentale et soutien psychosocial et mettant en œuvre les activités.
Travailler au-delà de la frontière
Les États-Unis d’Amérique et le Mexique partagent une frontière de plus de trois mille kilomètres. El Paso, au Texas, où Maria est basée, est l’un des points d’entrée les plus fréquentés, notamment par les piétons. Les personnes qui arrivent actuellement à El Paso ont traversé une grande partie du continent américain en cherchant à se protéger des conflits, de la violence, des violations des droits de l’homme, des persécutions et des catastrophes naturelles.
En 2020, la pandémie a radicalement changé le travail du JRS dans la région. En mars, le gouvernement américain a approuvé le Titre 42, une règle de santé publique destinée à arrêter la propagation du Covid-19. Sa mise en œuvre a fini par empêcher presque tout le monde de traverser la frontière et de demander l’asile.
« Nous avons eu un grand nombre de personnes qui sont restées du côté mexicain, en attendant que la situation change, ou des personnes qui ont essayé d’entrer aux États-Unis, mais qui, à cause de la politique, ont été immédiatement expulsées », se souvient Maria.
Pour mieux servir les personnes migrantes, le JRS a commencé à travailler au-delà de la frontière entre El Paso (Etats-Unis) et Ciudad Juarez (Mexique), où les personnes expulsées ou à qui on a refusé l’entrée sont restées en attente. Alors que la situation évolue et que la décision d’un juge fédéral de bloquer cette politique est retardée par l’administration Biden, les demandeurs d’asile ont toujours besoin d’aide.
Rechercher la résilience
Pour soutenir les familles et les personnes bloquées, Maria travaille dans des abris du côté mexicain de la frontière. Elle organise des activités de santé mentale et psychosociales ainsi que des activités récréatives pour des groupes, en essayant d’égayer leur journée. Elle soutient également les individus par des « conversations individuelles ».
Grâce à ses études et à son expérience, Maria sait comment traduire les outils de la psychologie clinique en outils culturellement appropriés. « Il y a beaucoup de stigmatisation de la santé mentale partout », admet-elle. Au lieu de qualifier son travail de psychologie, elle demande aux gens comment ils se sentent, ce dont ils ont besoin, et les aide à comprendre leurs émotions et leurs pensées.
L’intérêt personnel et professionnel de Maria se concentre sur la résilience et le bien-être mental dans les déplacements : « J’ai appris par expérience qu’il y a beaucoup de cela », affirme-t-elle. Maria a observé que la reconnaissance des aspects positifs peut être un outil efficace d’autonomisation. Son travail consiste donc à « identifier et mettre en évidence les atouts et la résilience » des personnes qu’elle rencontre.
« Je n’essaie pas d’ignorer les circonstances », explique Maria, « toutes les blessures qui en découlent, tous les problèmes auxquels ils ont été confrontés ou l’injustice et l’inégalité. » Pourtant, elle veut aussi qu’ils voient « tout ce qu’ils peuvent donner et tout ce qu’ils peuvent surmonter. » En se concentrant sur cet aspect, les personnes déplacées de force reconnaissent leur propre force et trouvent un nouvel espoir pour l’avenir.
Témoin de l’espoir
Les personnes déplacées de force ont des rêves et des espoirs comme tout le monde. Maria le sait bien : lorsqu’elle prépare une activité, les gens l’attendent avec impatience et se réjouissent du temps passé ensemble – c’est cela, à ses yeux, l’espoir.
Pourtant, dans les déplacements, l’espoir est souvent caché. Maria se souvient d’un homme qu’elle a rencontré dans l’un des abris. Un jour, après une activité de groupe, l’homme s’est approché d’elle et lui a dit qu’il était très reconnaissant, car il n’avait pas ri depuis des semaines. Étant le seul Haïtien du refuge, il souffrait de la barrière de la langue et se sentait très seul.
« Comme nous sommes beaucoup amusés avec l’activité que vous avez organisée et que je sens la différence, je voulais vous parler », a-t-il dit. Puis, il s’est ouvert et a raconté à Maria son parcours. Dans la jungle, il avait été agressé, mais il n’en avait jamais parlé à personne.
Maria a été touchée par cette première rencontre. Elle ne cesse de penser au peu qu’elle lui a donné : un rire. Et pourtant, ce rire s’est transformé en confiance et en espoir, pour tous les deux. L’épisode lui rappelle sans cesse que chaque petit geste compte, car « on ne sait jamais quelle différence on peut faire ».
En cas de déplacement, il est facile de perdre de vue l’espoir. Pourtant, les rêves des personnes déplacées de force – pour la sécurité, une vie meilleure, l’avenir de leurs enfants – sont ce qui leur permet de garder l’espoir. Le travail de Maria consiste à mettre ces rêves au premier plan, afin qu’ils puissent continuer à avoir l’espoir d’un avenir meilleur.