Témoignages de personnes fuyant le Soudan en quête de sécurité
30 mai 2023
À Joda, l’une des villes frontalières entre le Soudan et le Sud-Soudan, des centaines de personnes déplacées arrivent chaque jour. Un grand nombre de personnes traversent la frontière à la recherche d’un abri sûr ou pour retourner chez elles au Sud-Soudan. Ces derniers sont les rapatriés du Sud-Soudan et représentent la quasi-totalité des personnes qui traversent cette frontière. Certains vivent au Soudan depuis plus de 30 ans, d’autres étaient réfugiés à Khartoum depuis la guerre civile au Sud-Soudan, et d’autres encore étaient au Soudan depuis peu de temps lorsque les violences ont éclaté, comme Nura*.
À la mi-avril, Nura a subi une intervention chirurgicale à Khartoum, raison pour laquelle elle s’est rendue dans le nord et a séjourné chez des parents quelques jours avant le début de la guerre. Quelques jours plus tard, les violences ont éclaté et elle s’est retrouvée bloquée dans la ville, sans pouvoir rentrer chez elle.
Aujourd’hui, comme beaucoup d’autres, elle se trouve à Renk, une petite ville située à côté de Joda, le long de la frontière avec le Soudan, où un centre de transit a été mis en place. Les rapatriés y sont hébergés en attendant que les agences humanitaires les transfèrent vers leur destination finale. Le centre de transit est de plus en plus encombré et les ressources ne sont pas suffisantes pour répondre aux besoins du nombre croissant de personnes qui arrivent.
Batika* a vécu à Khartoum pendant plus de dix ans. Elle travaillait comme femme de ménage dans la capitale soudanaise lorsque la guerre a commencé. Avec le début des violences, la vie est devenue trop difficile à supporter et l’insécurité s’est accrue de jour en jour. Cependant, ce ne sont pas les bombes, les balles ou la faim qui ont poussé Batika et sa famille à partir. L’un de ses proches parents a été victime d’abus sexuels de la part d’un homme en uniforme. Cet épisode s’est produit en pleine journée, alors qu’elle rentrait du marché.
La violence fondée sur le genre devenait une menace de plus en plus fréquente, et elle a commencé à en avoir très peur. C’est pourquoi Batika et sa famille ont décidé de faire leurs bagages et de fuir vers le Sud-Soudan à la recherche d’un abri et d’une sécurité.
Nombreuses sont les familles qui souffrent des effets tragiques de la guerre. Certaines ont perdu leur maison, leurs biens, leurs rêves et n’ont aucun endroit sûr où aller.
Kuaae* a travaillé comme enseignant dans l’enseignement pré-primaire à Khartoum. Originaire du Sud-Soudan, il a passé plus de 20 ans au Soudan.
Il était à l’école lorsque les bombes ont commencé à tomber. Dans un premier temps, il a décidé d’abriter les enfants à l’intérieur de l’école, en attendant que les bombardements cessent. Au bout de quelques heures, comme le danger ne cessait pas, les parents sont venus chercher leurs enfants et les ont emmenés hors de l’école. Lorsque tous les élèves sont partis, il était temps pour Kuaae de partir à la recherche de sa famille.
Ils se sont enfermés chez eux pendant quelques jours en attendant la fin des violences. « Des bombes tombaient sur la ville, sans cible précise. Elles tombaient au hasard, si bien qu’on ne savait jamais si la prochaine allait nous toucher, nous et notre famille », raconte Kuaae.
« C’était difficile, surtout pour les enfants. Les voir pleurer tous les jours était très difficile pour moi », explique-t-il. Le 24 avril, Kuaae et sa famille ont décidé de prendre les enfants et de fuir le Soudan. « Nous n’avions rien sur nous ! Nous n’avions aucun moyen d’apporter de la nourriture ou d’autres articles, car j’étais occupé à porter les enfants. »
Il n’est pas facile de rester dans les limbes de Renk. Les gens craignent que l’arrivée de la saison des pluies n’apporte des maladies et de nouveaux défis en matière d’hygiène et de santé. Les réserves d’eau et de nourriture sont insuffisantes. Les personnes déplacées craignent de nouvelles violences et l’incertitude quant à la suite des événements. La surpopulation et les ressources limitées ne font qu’aggraver une situation déjà vulnérable, déclenchant des tensions et des conflits au sein même de la population déplacée.
Les personnes, comme Kuaae et Nura, qui n’ont pas les moyens financiers d’assurer leur propre transport, attendent que les acteurs humanitaires les soutiennent dans leur voyage. Cependant, l’instabilité croissante du pays et le besoin de ressources supplémentaires retardent ce processus.
En collaboration avec des partenaires, le JRS offre des premiers soins psychologiques, des espaces sûrs où les enfants peuvent dessiner et jouer, ainsi que des services de physiothérapie de base et la distribution d’articles non alimentaires pour les cas les plus vulnérables. Le JRS est présent au Sud-Soudan depuis des années mais n’avait jamais opéré dans la ville frontalière de Renk auparavant. Ce besoin est né de la mission du JRS d’accompagner les plus vulnérables et d’intervenir là où c’est le plus nécessaire.
*nom de fantaisie destiné à protéger l’identité de la personne