« Je vis au Malawi en tant que réfugié depuis près de 10 ans. Avant d’arriver au Malawi, j’ai été déplacé dans plusieurs pays, de la Zambie au Mozambique ». Aujourd’hui, plus de 10 000 km séparent Emmanuel du camp de réfugiés de Dzaleka, au Malawi. Originaire de la République Démocratique du Congo (RDC), il est arrivé en février 2023 à Rome, en Italie, pour suivre un master en économie à l’Université La Sapienza, dans le cadre du programme de bourses UNICORE, mis en œuvre par le HCR et ses partenaires, dont le Centro Astalli/JRS Italie.
À Dzaleka, le JRS et plusieurs autres acteurs sont impliqués dans des initiatives visant à faciliter l’accès à l’éducation dans le camp. Ces programmes vont de l’apprentissage en ligne à grande échelle à l’octroi de bourses pour permettre aux réfugiés de poursuivre leurs études. « Personnellement, l’éducation m’a permis de découvrir des opportunités uniques. J’ai d’abord suivi les programmes du JRS (anglais, informatique), puis j’ai postulé pour une licence en gestion d’entreprise par le biais d’un programme d’apprentissage en ligne », explique Emmanuel. Cependant, les jeunes qui vivent dans un camp de réfugiés ont souvent du mal à accéder à ces opportunités, « ils n’ont pas de compétences techniques ni un bon niveau d’anglais, ils n’ont pas les compétences de base nécessaires pour accéder aux différents programmes proposés. »
Dès qu’il a obtenu sa licence, Emmanuel a cherché un moyen de soutenir d’autres jeunes réfugiés dans le camp et de leur fournir les informations et la confiance nécessaires à la poursuite de leurs études post-secondaires. « J’ai toujours voulu être économiste, mais mon autre mission est de donner aux réfugiés les moyens d’agir en leur accordant les ressources et le soutien dont ils ont besoin pour réussir. Je voulais permettre à d’autres jeunes comme moi d’accéder aux mêmes opportunités que j’ai pu avoir. Je me suis donc demandé : comment faire ? Il fallait créer une organisation capable de fournir les compétences nécessaires pour accéder à la formation universitaire ».
Cette idée l’a amené à cofonder ATE-Hub, une organisation basée à Dzaleka où les réfugiés travaillent ensemble, fournissant un soutien académique et mettant en œuvre des initiatives visant à améliorer le bien-être des étudiants et à les préparer à entreprendre leur cursus universitaire. « Nous travaillons désormais en partenariat avec une Université américaine pour proposer des programmes de formation universitaire aux étudiants réfugiés dans le camp de Dzaleka. Avant d’entrer à l’université, nous proposons aux étudiants un programme de base visant l’apprentissage des techniques de rédaction académique en anglais, des compétences techniques, des compétences non techniques et l’amélioration de la confiance en soi de l’apprenant. Ce programme se déroule sur trois mois et lorsque les étudiants sont prêts, nous les inscrivons à l’université pour qu’ils commencent leur cursus ».
ATE-Hub compte sept personnes qui travaillent dans deux départements, l’un fournissant un soutien opérationnel/holistique et l’autre un soutien académique, grâce à des conseillers, des tuteurs académiques et des assistants d’enseignement. « Les étudiants nous disent que nous n’offrons pas seulement une bourse, mais que nous entrons dans leur vie, que nous répondons à leurs besoins globaux et que nous essayons d’assurer leur bien-être. Precious* a obtenu son diplôme de gestion en février, elle est mère célibataire et s’est efforcée de concilier ses responsabilités de mère et d’étudiante. Elle venait au centre sept heures par jour avec ses filles qui passaient la journée dans notre garderie pendant qu’elle étudiait. Precious est un exemple que nous partageons toujours avec les autres étudiants ».
De nouveaux défis et de nouvelles perspectives se présentent à ATE-Hub. L’organisation espère à l’avenir trouver un moyen d’aider les étudiants à intégrer le monde du travail, « une autre raison pour laquelle l’enseignement supérieur est si important pour les bénéficiaires des programmes d’ATE-Hub est qu’ils ont besoin de transformer leur vie sur le plan économique. Ainsi, ATE-Hub ne mesure pas seulement son succès en termes d’obtention d’un diplôme, mais aussi en termes de chances de réussite des étudiants sur le marché de l’emploi ».
Les organisations dirigées par des réfugiés connaissent mieux les conséquences sociales, économiques ou politiques du déplacement. Cette perspective unique en fait des acteurs privilégiés par rapport aux organisations internationales. Elles peuvent s’adapter plus rapidement aux besoins de la communauté et mieux comprendre les défis, ainsi que fournir le soutien le plus efficace et le plus pertinent possible. « Nous demandons que davantage d’opportunités soient offertes aux organisations dirigées par des réfugiés telles que ATE-Hub, qu’il s’agisse de partenariats accrus ou de la mise à disposition de ressources, afin que nous puissions collectivement construire la prochaine génération de leaders dans la communauté de Dzaleka. Il ne doit pas être considéré comme un simple camp de réfugiés, mais comme une société de personnes innovantes, technophiles, créatives et autonomes ».
* nom de fantaisie destiné à protéger l’identité de la personne