Accompagner les Rohingyas au Bangladesh : Entretien avec le père Jerry Gomes SJ

27 août 2024

Le JRS accompagne des enfants réfugiés au Bangladesh (Jesuit Refugee Service).

Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis Jerry Gomes, un prêtre jésuite du Bangladesh. Je suis le Directeur de JRS Bangladesh. Vers la fin de l’année 2019, j’ai rejoint le JRS et je suis devenu Directeur National en avril 2020.

Qu’est-ce qui vous a amené à servir les réfugiés ?

La Compagnie de Jésus m’a encouragé à servir la communauté Rohingya par l’intermédiaire du JRS. Ce ministère m’intéresse aussi personnellement.

Pouvez-vous nous en dire plus sur le contexte local dans lequel vous travaillez ?

Environ un million de Rohingyas ont trouvé refuge au Bangladesh. Le monde entier sait qu’ils ont été déplacés du Myanmar de manière inhumaine et forcée. 99 % d’entre eux se trouvent aujourd’hui à Cox’s Bazar. Cela signifie qu’un quart de la population de Cox’s Bazar est constituée de Rohingyas. À présent, la réponse aux Rohingyas à Cox’s Bazar au Bangladesh est l’un des programmes de réponse humanitaire les mieux organisés et les mieux coordonnés au monde. Il couvre presque tous les secteurs : abris, gestion et coordination des camps (CCCM), protection, eau, assainissement et hygiène, moyens de subsistance et développement des compétences, sécurité alimentaire, éducation, santé et nutrition. Le gouvernement du Bangladesh et les organisations humanitaires prennent en charge une grande partie de leurs besoins fondamentaux.

Quels sont les principaux défis auxquels sont confrontées les personnes que nous servons ?

Nos frères et sœurs rohingyas vivent dans des camps depuis sept ans. Ils portent de nombreux souvenirs amers du passé. Les problèmes psychosociaux résultent également de leur vie prolongée dans les camps en tant qu’apatrides. Le coup d’État militaire au Myanmar a accru la vulnérabilité des Rohingyas. Les troubles politiques au Myanmar ont eu des répercussions négatives sur les camps de réfugiés rohingyas au Bangladesh. Ces personnes ne veulent pas aller à la guerre ou être recrutées pour la guerre. Les trois quarts des enfants vont dans des centres d’apprentissage pour recevoir une éducation formelle conforme au programme du Myanmar. Les familles rohingyas n’ont pas le droit de travailler et sont très vulnérables. De nombreux adolescents ont passé la plupart de leur vie dans des camps. Plus de 200 000 enfants sont nés dans les camps en six ans. Le déficit de financement pour servir la communauté rohingya est de 70 %. Voici les défis principaux auxquels sont confrontées les personnes que nous aidons.

Comment le JRS répond-il à leurs besoins ?

Le JRS Bangladesh travaille en collaboration avec Caritas Bangladesh (CB) pour le développement holistique des enfants et adolescents rohingyas en accord avec la santé mentale et le soutien psychosocial (MHPSS) qui intègre d’autres priorités du JRS. Le JRS a commencé son voyage au Bangladesh en 2018 en ouvrant 6 centres Child-Friendly Space. En 2019, le JRS a ouvert 11 centres. Ils sont désormais appelés Centres polyvalents pour enfants et adolescents. Au cours des cinq dernières années, nous avons servi plus de 6 000 enfants et adolescents. L’accent est mis à la fois sur le soutien psychosocial (SMSPS) et sur la paix et la réconciliation à partir de 2023. Le projet du JRS-CB se concentre sur les enfants et les adolescents rohingyas (0-18 ans) en intégrant la SMSPS et l’éducation à la paix. Les participants ont développé des comportements souhaitables. L’éducation préscolaire informelle, les compétences de vie, la formation pré-professionnelle, l’orientation et le plaidoyer auprès d’autres agences humanitaires et du gouvernement font partie de nos activités. Les enfants et les adolescents handicapés bénéficient d’un service spécial pour maintenir les niveaux fonctionnels. Les services de conseil paraprofessionel et de gestion de cas conduisent à des changements de comportement positifs et à la gestion du stress. Le renforcement des capacités des Rohingyas adultes et des parents est effectué pour répondre aux préoccupations en matière de protection. Les services de SMSPS à plusieurs niveaux, les pratiques d’hygiène, les soins aux enfants et les pratiques en matière de droits de l’homme se sont améliorés.

Quels sont les plus grands défis auxquels vous êtes confronté dans votre travail ?

Les groupes militants recrutent de force des enfants, des adolescents, des jeunes et des volontaires rohingyas qui ne veulent pas participer à la guerre civile en cours au Myanmar. Comme ils ne veulent pas le faire, ils sont tués ou attaqués. Récemment, un volontaire a été tué.

Pouvez-vous nous parler d’une rencontre ou d’un événement particulièrement transformateur qui continue à vous inspirer dans votre engagement pour le JRS ?

Quelques événements transformateurs m’ont convaincu de rester au sein du JRS pendant près de cinq ans. J’avais l’habitude de douter que notre service de soutien psychosocial soit éphémère ou non. Le 10 juin, j’ai rencontré 25 adolescents. Ils me connaissent depuis longtemps. Le courage dont ils ont fait preuve pour partager leurs expériences avec moi m’a beaucoup inspiré. Ce qui m’a inspiré, c’est que certains d’entre eux étudient tous les jours pendant cinq à six heures. Ils ne veulent pas aller à la guerre. Ils veulent étudier. Ils ont appris ce qui est bon pour eux et ce qui ne l’est pas. Ils espèrent un avenir radieux. En bref, l’amour des enfants et des adolescents rohingyas m’a inspiré dans mon engagement au sein du JRS. Les enfants et les adolescents rohingyas sont pleins d’espoir. Ils n’abandonnent pas. Nous avons beaucoup à apprendre d’eux.

Que signifie l’accompagnement pour vous ?

L’accompagnement est plus qu’un service professionnel ou la réalisation d’un projet de développement. Le père fondateur du JRS, le Père Pedro Arrupe SJ, a été davantage touché par l’amour des réfugiés. Accompagnement signifie beaucoup de choses, mais il commence par une attitude positive envers les réfugiés. Le reste suivra. Nos frères et sœurs rohingyas savent qui les accompagne au sens propre du terme.

Comment les individus ou les organisations peuvent-ils contribuer à faire la différence dans les contextes où vous travaillez ?

L’aide d’urgence n’est pas suffisante. Le rapatriement n’est pas une solution. Il est essentiel de guérir les blessures historiques et de trouver des solutions durables. Ces éléments sont bien articulés dans le programme de paix et de réconciliation du JRS.