40 ans d’accompagnement : Pau Vidal SJ

02 mai 2024

Père Pau Vidal avec le coordinateur de l’éducation de l’époque, Père Alvar Sanchez SJ, à l’école Gulawein, à Maban, au Soudan du Sud. Environ 200 enfants fréquentent cette école soutenue par JRS, qui construit de nouvelles salles de classe, fournit de la nourriture quotidienne et paie les enseignants. (Photo par Albert Gonzalez Farran)

Père Pau Vidal SJ s’est d’abord engagé avec JRS au Libéria, où il accompagnait les réfugiés et les personnes déplacées dans leur processus de retour dans leur ville natale et de reconstruction de leur pays après 14 ans de guerre civile. Il a ensuite été coordinateur pastoral dans le camp de réfugiés de Kakuma, au Kenya, et directeur national au Soudan du Sud, accompagnant les réfugiés soudanais dans les camps de réfugiés de Maban.

Décrivez votre vie et ce qui se passait lorsque vous vous êtes impliqué pour la première fois avec JRS.

Mon premier contact avec les Jésuites m’a exposé à leur compréhension de la foi et de la justice, à laquelle je me suis senti très attiré. J’ai d’abord découvert mon appel à suivre Jésus plus profondément quand j’étais en Afrique en 1998. Je me souviens du témoignage d’un collègue qui arrivait des Grands Lacs après le génocide. J’ai reconnu cet appel qui résonne en moi : pouvoir vivre en tant que religieux en marge, à la périphérie, marcher avec ceux qui sont dans le besoin, et ceux qui sont oubliés.

Plus tard, pendant mes études, j’ai demandé à faire ma régence avec JRS. J’ai été envoyé pour deux ans au Libéria, entre 2005 et 2007. Ce fut un moment très joyeux, puisque nous avons pu accompagner les réfugiés et les personnes déplacées dans leur processus de retour dans leurs villes natales. Il était particulièrement réconfortant de soutenir le peuple libérien alors qu’il commençait à reconstruire son pays après 14 ans de guerre civile.

J’ai été ordonné prêtre en 2012, et peu de temps après j’ai été renvoyé auprès de JRS en tant que coordinateur pastoral dans le camp de réfugiés de Kakuma au Kenya pendant deux ans.

En 2014, après avoir obtenu un diplôme international d’aide humanitaire de l’Université Fordham à New York, on m’a demandé d’aller à JRS Soudan du Sud. JRS tentait de consolider sa présence dans les camps de réfugiés de Maban. Des réfugiés soudanais, un autre Jésuite et moi-même avons été envoyés à Maban, qui est un endroit assez éloigné. Notre première période n’a pas été facile pour différentes raisons, c’est-à-dire l’insécurité, le manque de moyens, l’isolement, etc. Après trois ans dans les camps de réfugiés de Maban, j’ai pris le rôle de directeur de JRS Soudan du Sud jusqu’en octobre 2018.

Où en êtes-vous dans votre vie aujourd’hui ?

Après six ans avec JRS Afrique de l’Est, je suis allé au Mexique pour un temps de renouveau spirituel (ce que nous, les Jésuites, appelons le Troisième An). À la fin de mon Troisième An, j’ai réalisé qu’il serait bénéfique pour moi d’être de retour à Barcelone après près d’une décennie à l’étranger. J’avais hâte d’être de retour à la maison et de renouer avec mes racines.

Actuellement, je suis basé à Barcelone où je suis impliqué dans deux projets : un centre social pour les migrants et les réfugiés appelé Migra Studium et un centre de justice sociale appelé Cristianisme i Justícia (CiJ), en particulier dans le domaine de la spiritualité ignacienne. Je suis reconnaissant de cette occasion de réfléchir et de développer une spiritualité engagée dans le travail de justice et de réconciliation. Afin de pouvoir rester à la marge, dans les tranchées de tant d’injustice sociale dans notre monde blessé, et d’offrir une certaine consolation et un espoir, il est très important de reconnaître que nous sommes des êtres spirituels. La spiritualité n’est pas quelque chose d’ajouté, mais plutôt un moteur intérieur profond qui nous maintient ancrés, enracinés et ouverts au milieu de notre monde.

Quelle différence JRS a-t-il fait dans votre vie ?

Sans doute, JRS a fait toute la différence dans ma vie. Il y a une prière du Père Arrupe qui parle de tomber amoureux. L’amour change tout : il affecte la façon dont vous vous réveillez, comment vous allez dormir, comment vous vivez vos journées… Arrupe était profondément amoureux de Dieu. En lisant ce texte, j’ai reconnu que JRS m’a aidé à tomber amoureux d’un Dieu déplacé, un Dieu en exil, qui est de l’autre côté de la frontière, qui est entassé dans un camp de réfugiés, ou qui vit dans une périphérie urbaine à Nairobi. Avec les réfugiés, j’ai vécu maintes et maintes fois cette mystérieuse capacité humaine à célébrer la vie au milieu de la mort. S’il n’y avait pas eu JRS, je ne sais pas si aujourd’hui je serais Jésuite.

Qu’est-ce que l’accompagnement signifie pour vous ?

C’est un mot central pour nous, à JRS, mais parfois il n’est pas clairement compris dans le monde humanitaire parce qu’il n’a pas une définition précise et claire. Cependant peut-être en raison de cette définition ouverte, il est toujours une source d’inspiration pour notre travail quotidien. L’accompagnement signifie le plus souvent partager notre vie. Il nous aide à nous ouvrir à l’autre et à reconnaître notre fragilité commune. Ce que nous partageons en tant qu’êtres humains, ce ne sont pas seulement nos capacités, nos potentialités ou nos projets futurs. Ce qui nous lie vraiment et fait de nous des frères et sœurs, c’est la reconnaissance de notre vulnérabilité et de notre faiblesse communes. C’est ce qui nous ouvre les uns aux autres dans un réseau de relations, où nous sommes tous inclus.

En un mot, pour moi, l’accompagnement est l’expression de ce que Jésus est venu faire, et donc ce que Père Arrupe voulait que JRS puisse incarner dans les endroits les plus misérables de notre monde d’aujourd’hui.

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