40e anniversaire de la Déclaration de Carthagène: une opportunité pour l’Amérique latine et les Caraïbes

01 juillet 2024

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La Déclaration de Carthagène de 1984 est un instrument juridique régional important pour la protection des réfugiés en Amérique latine et dans les Caraïbes (ALC). Son importance internationale réside dans l’extension de la définition du réfugié aux « personnes qui ont fui leur pays parce que leur vie, leur sécurité ou leur liberté étaient menacées par une violence généralisée, une agression étrangère, des conflits internes, des violations massives des droits de l’homme ou d’autres circonstances ayant gravement troublé l’ordre public ».

Cette année marque le 40e anniversaire de la Déclaration, et les pays de l’ALC – sous la houlette du gouvernement chilien – négocieront bientôt à Genève la Déclaration et le Plan d’action du Chili pour la période 2024-2034. C’est l’occasion pour la Déclaration de Carthagène de devenir une référence internationale en matière de justice à une époque où les réfugiés et autres personnes déplacées – 120 millions de personnes déplacées de force selon le Rapport sur les tendances mondiales 20231 récemment publié par le HCR – paient le prix le plus élevé en termes de vies humaines et de sécurité en raison de l’absence de systèmes de protection efficaces et de la violation des principes et obligations du droit international humanitaire et des droits de l’homme.

En tant qu’instrument juridique, politique et stratégique novateur, la Déclaration de Carthagène, une fois transposée et effectivement mise en œuvre dans les lois et politiques nationales, renforce la protection des personnes fuyant non seulement les conflits armés et les persécutions personnelles, mais aussi d’autres facteurs de déplacement tels que les impacts environnementaux et climatiques, la violence généralisée et la traite des êtres humains. Elle contribue également à développer des voies d’accès sûres et régulières, empêchant les personnes en déplacement d’emprunter des itinéraires de plus en plus dangereux tels que la jungle du Darién.

À partir de son expérience du déplacement, Angie Torres, réfugiée colombienne afro-descendante et collaboratrice du JRS vivant en Équateur, nous livre quelques messages clés et des recommandations concrètes:

« Dans mon expérience de demandeuse d’asile, j’ai été confrontée avec ma famille à plusieurs difficultés et barrières, comme le manque d’empathie de certains fonctionnaires de l’immigration, le manque d’accueil de la part des communautés d’accueil, ce qui nous a rendus beaucoup plus vulnérables à ce moment-là, en particulier parce que le statut de demandeur d’asile n’était pas reconnu par certaines institutions et que, par conséquent, de nombreux droits ont été violés (…) Cette expérience me permet de faire quelques recommandations pour améliorer le processus de reconnaissance du statut de réfugié dans notre région d’Amérique latine et des Caraïbes: 1) le processus de demande d’asile doit être pleinement respecté et mené efficacement pour éviter de jouer avec les attentes et les plans de vie des demandeurs d’asile; 2) les politiques publiques doivent respecter les droits de l’homme des demandeurs d’asile pendant le processus de demande; et 3) des mécanismes doivent être mis en place pour éviter la revictimisation des personnes pendant ce processus.»

En tant qu’organisations catholiques inspirées par l’Évangile et les quatre verbes du Pape François – accueillir, protéger, intégrer et promouvoir nos frères et sœurs en déplacement – ainsi que par le témoignage et les messages clés de réfugiés comme Angie, nous appelons les gouvernements de la région Amérique latine et Caraïbes à rédiger la nouvelle Déclaration et le nouveau Plan d’action du Chili 2024-2034 avec la participation de ses protagonistes, à savoir les réfugiés et les personnes déplacées, en tenant compte de leurs préoccupations, de leurs propositions et de leurs attentes, et donc de ce qui suit:

  • Une protection effective dans les pays d’origine, de transit et de destination: En appliquant pleinement la définition élargie du terme « réfugié », en protégeant également les personnes vulnérables et déplacées par la crise climatique et par les catastrophes environnementales causées par l’action de l’homme.
  • Des mécanismes alternatifs, sûrs et réguliers pour les routes migratoires dangereuses: En créant des systèmes juridiques permettant aux personnes persécutées d’avoir accès à la procédure d’asile, en évitant les conditions d’extrême vulnérabilité dans les couloirs migratoires – El Darién est un exemple de cette réalité régionale inévitable.
  • Intégration: En facilitant l’accès aux droits, y compris aux documents migratoires, et en renforçant la coordination entre les différents niveaux de gouvernement pour rendre les processus d’intégration efficaces.

Depuis la fin du XIXe siècle, l’Amérique latine a été pionnière dans la protection des personnes persécutées en raison de conflits, de violences généralisées et de crises politiques. Nous espérons que le Plan d’action du Chili ouvrira de nouvelles voies vers la protection internationale et la pleine inclusion des réfugiés et des autres personnes en déplacement, en reconnaissant leur importante contribution aux sociétés d’accueil et aux communautés d’origine, contrant ainsi les récits négatifs et la discrimination systémique dans les politiques et les comportements individuels et collectifs. Ce sera un signe d’espoir et un exemple pionnier pour d’autres pays et régions du monde.