Liban : Manar, survivante de l’explosion à Beyrouth et réfugiée syrienne nous raconte son histoire
04 décembre 2020
Les souvenirs associés à l’explosion de Beyrouth sont difficiles à oublier pour ceux qui ont été témoins de cet événement tragique. Ils sont encore consternés par la peur et la douleur qu’ils ont ressenties en cet après-midi morne, il y a quatre mois aujourd’hui. Alors que les survivants racontent leurs expériences, ils ne se sentent plus isolés. Leurs émotions les lient à d’autres qui se reconnaissent et résonnent dans cette douleur, alors JRS fournit des ressources en santé mentale pour les aider à gérer ces émotions.
Environ un mois après l’explosion, nous avons rencontré Manar, une réfugiée syrienne de 36 ans, chez elle à Bourj Hammoud, à quelques kilomètres du port de Beyrouth. Elle nous a accueillis avec ses deux fils qui étaient avec elle lorsque l’explosion a secoué leur bâtiment. Elle décrit de façon vivide ce moment qui a changé sa vie. « Je m’apprêtais à regarder une série télévisée avec mon mari qui venait d’arriver du travail, et mes deux fils étaient assis à côté de moi. Je sentais l’air chaud, mais je ne savais pas d’où il venait. J’ai regardé par la fenêtre pour vérifier. Tout d’un coup, j’ai entendu une puissante explosion. C’était comme un tremblement de terre, tout tremblait. J’ai crié à mes fils de courir et de se mettre à l’abri. »
La fumée et la poussière ont obscurci l’appartement et Manar a craint le pire. Elle a envisagé de mettre son voile et ses vêtements parce qu’elle s’attendait à la mort. « Je ne pouvais pas comprendre ce qui se passait ; c’était comme dans un film où nous étions au milieu de cette ville désastreuse, c’était incroyable », explique-t-elle, en état de choc.
Depuis le balcon de Manar, on peut voir les grues rouges du port, un élément clé de l’infrastructure libanaise, désormais réduite en ruines. Manar a encore des flashbacks de ce jour- là. Elle se souvient de la scène où les voitures sont entrées en collision sur le pont face à son balcon, et du verre brisé partout. Elle se souvient encore des cris des gens et de ces mères tenant les mains de leurs enfants qui pleuraient alors qu’elles essayaient de s’échapper.
Boulversée par les cris des enfants, Manar est allée voir ses voisins pour les aider à soulager leur douleur. « J’ai porté l’un des enfants et j’ai soigné sa blessure. J’ai donné un coup de main à tous les enfants de mon immeuble. Dieu m’a donné de la force ce jour-là pour soutenir ceux qui en avaient besoin », dit-elle.
Trois heures après l’explosion, Manar a commencé à nettoyer la maison, balayant le verre du sol et lavant les taches de sang. Mais l’impact émotionnel de l’explosion a persisté beaucoup plus longtemps que l’impact physique. Dans les nuits qui suivirent, elle ne pouvait pas dormir et son mari se réveillait souvent en hurlant au milieu de la nuit. Aujourd’hui encore, il fait des cauchemars et ses deux fils ont peur de dormir seuls.
L’explosion a ramené de tristes souvenirs du passé de Manar en Syrie. Elle a pensé à son frère, ses cousins et son beau-frère, décédés. Elle explique que l’explosion de Beyrouth a été pire que tout ce qu’elle a vécu en Syrie.
Malgré les dommages causés à sa maison, Manar a toujours une vision positive de la vie. Elle dit que sa famille a reçu une seconde vie et, tout comme l’expérience de la pandémie de coronavirus, l’explosion est une invitation à une nouvelle perspective. « Je n’ai pas du tout perdu espoir. Maintenant, je fais attention à toutes mes actions et à mon attitude. Les gens peuvent mourir à tout moment », dit-elle. Manar reçoit maintenant des séances de counseling avec la travailleuse sociale et psychologue clinicienne de JRS pour l’aider à faire face à cet événement traumatisant.