40 ans d’accompagnement : Amaya Valcarcel
29 octobre 2020
Amaya Valcarcel a rejoint le Service Jésuite des Réfugiés en 1998 en tant que coordinatrice politique, concentrant son travail sur la région des Grands Lacs d’Afrique et d’Asie du Sud, avec des missions régulières au Rwanda, au Burundi et au Sri Lanka. Après avoir travaillé avec de jeunes survivants des mines terrestres au Cambodge et avoir été secrétaire générale de la Commission espagnole pour les réfugiés (CEAR), elle s’est installée à Rome, en Italie, en 2009, où elle a pris ses fonctions actuelles de responsable de l’action internationale au bureau international du JRS.
Pouvez-vous décrire votre vie et ce qui s’est passé lorsque vous avez commencé à travailler pour le JRS ?
En 1997, j’étais dans un camp à Kakuma, au Kenya, où j’ai rencontré la sœur Mary Helen qui travaillait avec le JRS, c’était la responsable d’un élevage de poulets dans le camp. Pour ma part je travaillais avec le HCR en tant que juriste, après avoir obtenu mon diplôme de droit dans mon pays d’origine, l’Espagne, à l’université de Comillas. J’adorais la façon dont le JRS travaillait avec les réfugiés. Ils n’étaient pas des « clients » ou des « personnes relevant de la compétence du HCR », mais des partenaires, des participants actifs et des collaborateurs égaux. J’ai donc décidé de quitter le HCR pour chercher un emploi au sein du JRS à Kakuma et on m’a proposé un poste au bureau international de Rome. Mark Raper SJ, qui était à l’époque le directeur international, m’a accompagnée à l’aéroport après l’entretien. Ce simple geste a également confirmé que le JRS était l’organisation pour laquelle je voulais travailler. J’ai finalement intégré le JRS au début de l’année 1998.
Où en êtes-vous dans votre vie aujourd’hui ?
Après toutes ces années, je travaille toujours avec le JRS, en tant que responsable du plaidoyer. Et entre-temps, j’ai eu le privilège de passer quelques années à travailler avec le JRS Cambodge et l’Église locale du diocèse de Battambang, dans le nord-ouest du pays.
Le plaidoyer fait partie de nos trois missions, et bien que cela ne soit pas toujours facile, nous travaillons avec les églises, les universitaires, les gouvernements, les journalistes, nous efforçant de faire entendre la voix de ceux que nous servons. Dans nos échanges avec les réfugiés, nous sommes à l’écoute de leurs besoins et de leurs aspirations, mais cela exige une grande attention et des relations rapprochées, de sorte que la mission du JRS devient un cycle, et qu’elle est très significative. J’ai maintenant le privilège de collaborer très étroitement avec la Section des Migrants et des Réfugiés que le Pape François a créée en 2017.
Quelle différence le JRS a-t-il fait dans votre vie ?
Les réfugiés ont apporté et continuent d’apporter une immense différence dans ma vie. Ils m’ont appris à être courageuse et à me libérer de mes peurs. Le JRS a de nombreux trésors, le plus beau est l’amitié noué avec les réfugiés et le personnel. Je compte de nombreux amis à travers le monde que j’aime et que j’admire, dont de nombreuses personnes que j’ai rencontrées au Cambodge. Pendant mon travail là-bas, les Cambodgiens ont été rapatriés et le pays s’est reconstruit à partir de presque rien. Mon travail actuel de plaidoyer est fondé sur ce que j’ai appris des réfugiés et de tous ceux avec qui j’ai vécu au Cambodge.
Je n’aurais pas été la même sans mon expérience avec le JRS.
Que signifie l’accompagnement pour vous ?
Je me sens souvent impuissante face à l’injustice structurelle et face au manque de volonté politique pour comprendre les réfugiés. Je pense alors à un visage, à une voix. Une des images que je garde de Kakuma est celle d’une amie soudanaise, Christine, qui passait une grande partie de sa matinée en silence dans une des églises du camp. Je me souviens avoir prié avec elle en silence. La situation dans son pays à cette époque était d’une terrible violence. Nous ne pouvions pas faire grand-chose à ce sujet. Mais nous pouvions partager des repas, des conversations et une certaine forme de développement spirituel. C’était ma première expérience en matière d’accompagnement mutuel. Je me suis assurément sentie accompagnée par Christine. C’est un aspect qui ne figure dans aucune norme humanitaire, mais qui est essentiel pour les réfugiés.
Antony, un autre ami qui est malheureusement aujourd’hui décédé, était un réfugié du Kenya. Il disait : « Est-ce suffisant de nous offrir, à nous les réfugiés, un endroit pour dormir et un repas? Il est également important de nous écouter et de partager nos aspirations. La foi joue un rôle primordial pour les personnes déplacées, car nous cherchons des réponses aux nombreuses questions que nous nous posons concernant la douleur et la souffrance que nous avons dû endurées. Pour la plupart d’entre nous, c’est notre foi en Dieu qui nous permet de continuer, au milieu des nombreux défis auxquels nous sommes confrontés et où notre foi est constamment mise à l’épreuve. Je suis convaincu que ces actes d’amour et de compassion sont ce que tous les réfugiés méritent ».